La loi bioéthique n’a pas encore un an d’existence. Elle a notamment concouru à la création d’un nouveau mode de filiation. Celle-ci repose sur la déclaration anticipée de volonté réalisée par les couples de femmes devant notaire. De fait, le droit de la filiation est en constante mutation. Et il semble qu’il continue à l’être au regard de la décision récente de la Cour d’appel de Toulouse. Cette dernière concerne la reconnaissance de filiation entre une femme transgenre et sa fille.
À l’origine, le droit de la filiation était principalement composé de deux types. D’une part, la filiation dite légitime. Celle-ci faisait référence aux parents de sexe différent et mariés au moment de la conception ou de la naissance de l’enfant. D’autre part, la filiation dite naturelle dans le cas où les parents de sexe différent n’étaient pas mariés. La loi du 3 janvier 1972 posa le principe d’égalité entre les enfants légitimes et naturels. Et plus de trente ans après, l’ordonnance du 4 juillet 2005 supprima la distinction entre les deux.
À son tour, la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a impacté la filiation. Entre autres, celle de l’enfant issu d’une Procréation Médicalement Assistée (PMA). Pour ce faire, elle reprend un certain nombre de règles connues du droit antérieur. L’article 310-1 du Code civil est celui qui définit actuellement la filiation. Celle-ci “est légalement établie […] par l’effet de la loi, par la reconnaissance volontaire ou par la possession d’état constatée par un acte de notoriété ainsi que […] par la reconnaissance conjointe. Elle peut aussi l’être par jugement […].”
Moins d’un an après la promulgation de la loi bioéthique, la loi relative à l’adoption du 22 février 2022 a renforcé à son tour certains aspects de la filiation. Notamment celles des enfants nés à l’étranger par PMA pour un couple séparé de femmes. Quelles sont les évolutions majeures en matière de filiation ? Quelles situations de famille concernent-elles ?
Filiation : les principales évolutions initiées par la loi bioéthique
Outre l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et à toute femme célibataire, intégrée dans la cadre de la loi bioéthique à l’article L. 2141-2 du Code la santé publique, un nouveau mode de filiation est inauguré. Il consiste en une déclaration anticipée de volonté effectuée par un couple de femmes. Celle-ci est réalisée devant notaire et vise à reconnaître conjointement l’enfant avant sa naissance. De fait, cette filiation a la même portée et les mêmes effets qu’une filiation par le sang ou adoptive.
En outre, cette reconnaissance conjointe a donné lieu à une dérogation au moment de la publication de la loi bioéthique. En effet, les couples de femmes ayant eu recours à une PMA à l’étranger avant la promulgation de cette dernière jouissent d’un délai de trois ans pour l’initier. Toutefois, pour la filiation des enfants nés de Gestation Pour Autrui (GPA) à l’étranger, le législateur a limité la transcription de l’acte civil du pays concerné à l’unique parent biologique. Le deuxième parent se cantonnant quant à lui à une procédure d’adoption.
Droit d’accès aux origines des enfants nés d’une PMA
Une PMA nécessite un tiers donneur (sperme, ovocytes ou don d’embryon). Ainsi, la filiation de l’enfant conçu par PMA révèle deux exigences juridiques majeures :
- D’une part, celle relative à l’interdiction d’établir un quelconque lien de filiation vis-à-vis de ce tiers donneur.
- D’autre part, celle en rapport avec la nécessité d’établir un lien de filiation à l’égard du couple bénéficiaire du don.
La loi bioéthique a inclus la possibilité, pour les enfants nés d’une PMA en France après la promulgation de la loi bioéthique, d’accéder aux données “non-identifiantes” (comme l’âge et la situation familiale) ou à l’identité de leur donneur. Et ce, dès leur majorité. Ceci implique de la part de tout tiers donneur de consentir à communiquer ces informations avant tout don.
Toutefois, l’article 342-9 du Code civil précise “qu’en cas d’assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation.” En parallèle, il stipule “qu’aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur.”
Reconnaissance de la filiation entre une femme transgenre et son enfant
Le 9 février 2022, après quatre ans de procédure, la Cour d’appel de Toulouse a reconnu la filiation maternelle d’une femme transgenre à l’égard de sa fille biologique. Elle s’est appuyé sur l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit au respect de la vie privée pour motiver sa décision. Celle-ci va à l’encontre de celle de la Cour de cassation qui avait rejeté en 2020 le statut de mère à cette même femme transgenre.
Pour rappel, l’enfant avait été conçue alors que cette dernière avait déjà changé d’état civil. En couple depuis 1999 avec son épouse, elle avait refusé d’adopter sa fille biologique afin qu’on la reconnaisse comme sa mère. La Cour d’appel de Toulouse lui a finalement raison. Selon les propres termes de son avocate, cette décision pourrait faire jurisprudence. Et ce, si l’on considère, d’une part, qu’elle est la première de cette nature en France et en Europe. D’autre part, qu’elle pallie à un manquement juridique en matière de droit de la filiation en ce sens que “le fait d’adopter son propre enfant n’existe pas en droit français.”
L’avis de Maître Dupuy-Chabin, votre avocat en droit de la famille
Les évolutions induites par la loi bioéthique sont une véritable révolution en matière de filiation. Si l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et à toute femme célibataire peut heurter les mœurs et les esprits traditionnels, il n’en demeure pas moins que ce nouveau mode de filiation entraînera la mutation du schéma familial classique. En outre, il permettra deux améliorations majeures :
- D’une part, le recours à la GPA, interdite en France, sera en net recul voir complètement désuet. En effet, l’un des deux membres d’un couple de femmes aura désormais la possibilité de recourir à la PMA. Il y aura donc deux femmes présumées pouvoir recourir à ce type de procréation. Si l’un des membres du couple à des difficultés biologiques, l’autre membre pourra alors mettre en œuvre ce dispositif. Cela restera bien entendu moins évident pour les femmes célibataires.
- D’autre part, permettre la déclaration anticipée de volonté, c’est permettre par anticipation la reconnaissance du lien de filiation à la femme n’ayant pas accouché dans un couple de deux femmes ayant eu recours à la PMA. Ceci permet d’éviter que l’enfant ne dispose que d’un seul lien de filiation selon le bon vouloir de la femme qui l’a mise au monde. Entre autres, en cas de rupture du couple. Le projet de parentalité commun est donc reconnu. Il permet d’ouvrir les droits et les devoirs à l’autre parent à l’égard de l’enfant désiré d’un commun accord.