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Conduite et stupéfiants : ne bafouez pas vos droits

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L’instauration du prélèvement salivaire a permis de faciliter les contrôles routiers pour usage de stupéfiants. Ces contrôles impliquent aussi la notification au conducteur de son droit à une contre-expertise si celui-ci est positif. Avant d’y renoncer, il s’agit de bien saisir les conséquences d’une telle décision. Le point dans cet article.

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 a instauré le prélèvement salivaire en lieu et place du prélèvement sanguin. Objectif : faciliter les contrôles routiers pour usage de stupéfiants. Dès lors, les forces de l’ordre peuvent soumettre tout conducteur à un contrôle de ce type. Celui-ci se déroule en deux temps :

  • Dans un premier temps, les forces de l’ordre utilisent un kit de dépistage salivaire. Il s’agit de détecter la prise de produits stupéfiants (cannabis, cocaïne, opiacés, ecstasy et amphétamines). On connaît le résultat du test (positif ou négatif) dans un délai compris entre 3 et 10 minutes.
  • Dans un second temps, si le résultat du test de dépistage est négatif, la procédure de contrôle s’arrête et le conducteur peut repartir. En revanche, si le résultat du test de dépistage est positif, on opère un prélèvement salivaire ou sanguin. Il s’agit de vérifier la consommation de stupéfiants. L’échantillon est envoyé à un laboratoire.

Stupéfiants au volant : obligation des forces de l’ordre en cas de test positif

En application de l’article R235-6 du Code de la route, les forces de l’ordre doivent demander au conducteur s’il souhaite se réserver la possibilité de demander une contre-expertise. Et ce, par le biais d’un formulaire à cocher et signer. Si le conducteur coche la case “je souhaite me réserver la possibilité de demander l’examen technique”, ce dernier disposera alors d’un délai de cinq jours, suivant la notification des résultats de l’analyse de son prélèvement salivaire ou sanguin, pour demander la réalisation d’une contre-expertise.

On note que les forces de l’ordre ont tendance à dissuader les conducteurs d’exercer ce droit. Dans cette optique, elles leur précisent d’une part que cela aura un coût important. D’autre part, que cela leur fera perdre beaucoup de temps. Et ce, du fait que le dépistage nécessite de se rendre à l’hôpital pour le réaliser.

Cochez la bonne case !

Le conducteur qui se réserve cette possibilité pourra soulever d’éventuels vices de procédure en cas de non-respect des exigences légales de la procédure de contre-expertise. En outre, la réalisation de cette contre-expertise pourrait révéler une contradiction entre les différents résultats des prélèvements. Il est donc essentiel de se réserver cette possibilité lors de l’interpellation.

Si le conducteur ne la coche pas…

Celui-ci ne dispose d’aucun droit de rétractation lui permettant de revenir sur son premier choix. Quand bien même ce dernier aurait renoncé sans avoir pris conscience des conséquences de cette renonciation. Rappelons-le : si le conducteur est contrôlé et qu’il a effectivement fait usage de stupéfiants, il n’est par conséquent pas forcément lucide lors de son choix. La science a prouvé que la consommation de produits stupéfiants empêche de faire des choix conscients, libres et éclairés.

Stupéfiants et conduite : droits de la défense

Malgré la notification du droit à une contre-expertise, l’état du droit actuel ne permet pas un exercice effectif des droits de la défense des conducteurs soupçonnés d’avoir fait usage de produits stupéfiants. En effet, la possibilité de solliciter une contre-expertise existe au moment même de l’interpellation. Dans ces conditions, les automobilistes contrôlés renoncent à leurs droits sans avoir pris conseil auprès d’un avocat. 

De plus, le recours à un formulaire de renonciation dactylographié ne permet pas d’affirmer avec certitude que le conducteur a eu la volonté libre et éclairée de renoncer à son droit.

Enfin, le principe de l’individualisation de la peine fait défaut en matière de conduite en ayant fait usage de produits stupéfiants. Le Code de la route punit le seul “usage” de ces produits. Il n’est pas nécessaire d’être “sous emprise” comme en matière d’alcool au volant pour que l’infraction soit caractérisée.

Stupéfiants et alcool au volant : autres différences de traitement

Le laboratoire se prononce uniquement sur le caractère positif ou négatif de l’échantillon de salive du conducteur. De fait, sans indiquer le taux exact de produits stupéfiants détectés. À l’inverse, en matière de conduite sous l’emprise d’un état alcoolique, le taux retenu est immédiatement notifié au mis en cause lors du premier contrôle. Celui-ci a son importance quant à la qualification contraventionnelle ou délictuelle de l’infraction.

Cette différence de traitement est difficile à justifier. Elle prive le tribunal d’un élément déterminant qui pourrait lui permettre de juger équitablement chaque conducteur suite à des faits de conduite en ayant fait usage de produits stupéfiants. De plus, en fonction des drogues, des modes d’usage et grâce à une analyse salivaire ou sanguine, il est possible d’être contrôlé positif plusieurs heures, voire même plusieurs jours après la prise de produits stupéfiants.

Or, en l’état du droit actuel, une personne ayant consommé des produits stupéfiants le jour même de l’interpellation, la veille ou plusieurs jours avant sera jugée avec la même sévérité pour le seul « usage » de ces produits. En conclusion, la mise en place du prélèvement salivaire en lieu et place du prélèvement sanguin simplifie les modalités de constatation de l’infraction. Cependant, elle nuit gravement aux droits de la défense des conducteurs.

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