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Proposition de loi relative à l’adoption : l’intérêt supérieur de l’enfant préservé ?

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La proposition de loi relative à l’adoption est passée à l’Assemblée Nationale, en première lecture et avec modifications, le 18 janvier 2022. Elle initie un certain nombre de nouveautés législatives afin de compléter les lois qui l’ont précédée. Mais aussi pour répondre aux nouvelles réalités de l’adoption en France. Entre autres, quant à la baisse significative du nombre d’agréments ces dernières années. 

Ces dernières années, l’adoption a beaucoup évolué en France. D’une part, dans sa nature. En effet, les adoptions intrafamiliales représentent en 2018 62% des adoptions contre 7% en 2007. Au même moment, les adoptions à l’étranger accusent un net recul. Elles représentent seulement 7% des adoptions en 2018 contre 71% onze ans plus tôt. Et ce, malgré l’augmentation du nombre de pays ouverts à l’adoption internationale.

D’autre part, le cadre légal de l’adoption en France a changé. Pour rappel, la législation sur l’adoption est inscrite aux articles 343 et suivants du Code civil ainsi qu’aux articles L225-1 et suivants du Code de l’action sociale et des familles. Elle permet aux couples mariés et à toute personne âgée de plus de 28 ans d’adopter un orphelin, l’enfant de son conjoint, un enfant abandonné ou retiré à ses parents. La loi du 17 mai 2013, dite du mariage pour tous, a ouvert de nouveaux droits au mariage, à la succession, mais aussi à l’adoption, aux couples de même sexe.

La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance est venue compléter ce dispositif. Elle intègre la réforme de l’adoption simple afin notamment de la rendre irrévocable durant la minorité de l’adopté. En outre, elle étend les cas de ré-adoptabilité aux enfants adoptés et admis en qualité de pupilles de l’État. Déposée le 30 juin 2020 par la députée Monique Limon, la proposition de loi relative à l’adoption est passée, avec modifications, à l’Assemblée Nationale le 18 janvier dernier. Quelles sont les axes de motivation du texte ? Son cadre ? Quelles différences entre adoption simple et adoption plénière ? Quels ont été les éléments faisant débat au sein des parlementaires, des autres acteurs institutionnels et associatifs ?

Rappel : différences entre adoption simple et adoption plénière

Pour bien saisir la portée de la proposition de loi relative à l’adoption, il convient dans un premier temps de revenir à certains fondamentaux. Entre autres, à la distinction existant entre l’adoption simple et l’adoption plénière. Dans le premier cas, et si la proposition de loi relative à l’adoption entérinée le 18 janvier 2022 entre en vigueur, l’enfant adopté conserve tous ses liens avec sa famille d’origine et sa filiation avec celle-ci. En revanche, l’autorité parentale est exclusivement et intégralement confiée au(x) parent(s) adoptif(s), hormis s’il s’agit de l’adoption d’un enfant de l’époux ou de l’épouse.

Dans le cas d’une adoption plénière, l’adopté acquiert une nouvelle filiation qui remplace celle d’origine. En d’autres termes, on établit le lien juridique directement avec son(ses) parent(s) adoptif(s) et non plus avec ses parents biologiques. De fait, l’autorité parentale est exclusivement et intégralement confiée au(x) parent(s) adoptif(s) comme dans le cas d’une adoption simple. Mais contrairement à cette dernière, l’adoption plénière prévoit aussi que l’adoptant a une obligation alimentaire à l’égard de l’adopté et inversement. De plus, celui-ci prend automatique le nom de l’adoptant.

Proposition de loi relative à l’adoption : axes et cadre

La proposition de loi relative à l’adoption portée par la députée Monique Limon a pour objectif de palier à certaines lacunes. Celles-ci furent présentées dans son rapport corédigé en 2019 avec la sénatrice Corinne Imbert. En parallèle, elle vise à répondre à la baisse régulière, observée notamment par la fédération Enfance & Familles d’Adoption (EFA), du nombre de :

  • Foyers titulaires d’un agrément : 16207 en 2015 contre 28181 en 2008.
  • Agréments délivrés : 3308 en 2015 contre 7027 en 2008.

Ainsi, la proposition de loi inclut un certain nombre de mesures nouvelles. Parmi elles, la mise en avant de l’adoption simple. L’article 364 du Code civil est reformulé de telle sorte à conférer une filiation additionnelle à l’enfant adopté. Dès lors, celui-ci dispose non seulement de sa filiation d’origine avec ses parents biologiques mais également avec son(ses) parent(s) adoptif(s).

La proposition de loi facilite également l’adoption plénière des enfants de plus de 15 ans et l’extension de la possibilité d’adoption plénière jusqu’à leurs 21 ans.

Ouverture de l’adoption aux couples non-mariés

Autrement dit, les couples pacsés et les concubins. Par couples, la loi considère désormais avec cette proposition ceux justifiant d’une vie commune d’au moins un an contre deux ans auparavant.

En outre, l’âge minimum pour faire une demande d’adoption passe de 28 à 26 ans. Ceci dit, l’écart d’âge maximum entre le ou les adoptant(s) et l’enfant adopté ne doit pas dépasser 50 ans, sauf dans le cas d’une adoption de l’enfant du couple.

Filiation des enfants nés à l’étranger par PMA

Ici sont concernés les couples de femmes qui ont eu recours à une Procréation Médicalement Assistée (PMA) avant la promulgation de loi de bioéthique. Et qui, de plus, se sont séparés de manière conflictuelle depuis leur projet parental commun. On se souvient que la loi de bioéthique du 2 août 2021 avait élargi la PMA aux couples de femmes ainsi qu’aux femmes célibataires alors qu’elle n’était accessible jusque-là qu’aux couples hétérosexuels sur indication médicale.

De fait, cette loi a instauré un nouveau mode de filiation entre l’enfant né d’une PMA et ses deux mères. Et ce, à travers une reconnaissance conjointe de l’enfant avant sa naissance, devant notaire. La proposition de loi relative à l’adoption du 18 janvier 2022 a pour but de compléter ce dispositif dans le cas de l’opposition de la femme ayant accouché à cette reconnaissance conjointe. Fruit d’un amendement spécifique des députés, l’objectif est de permettre à la femme n’ayant pas accouché de recourir à l’adoption malgré la séparation du couple et le refus de la mère biologique de l’enfant. Au juge d’apprécier :

  • La légitimité du refus de la femme ayant accouché.
  • Et la conformité de l’adoption avec l’intérêt de l’enfant.

Renforcement du rôle de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE)

Enfin, dans le cadre du renforcement du statut de pupille de l’État, on note que la proposition de loi relative à l’adoption établit comme compétence exclusive de l’ASE le recueil d’enfants abandonnés pour que ces derniers bénéficient précisément de ce statut.

L’Aide Sociale à l’Enfance est une politique mise en œuvre en France par les conseils départementaux. Ces derniers sont responsables de la protection de l’enfance. L’ASE est aussi dans ce sens un dispositif de prévention, d’accueil et de soutien aux mineurs, à leurs familles. Mais également aux mineurs émancipés et aux jeunes majeurs de moins de 21 ans en difficulté.

Proposition de loi relative à l’adoption : pour et contre

La proposition de loi relative à l’adoption émise par Monique Limon doit à présent être adoptée en nouvelle lecture par les sénateurs. Elle a fait couler beaucoup d’encre. En outre, le Parlement a considérablement débattu avant son adoption par le Sénat le 20 octobre 2021. Puis elle a été retoquée le 4 novembre 2021 par la commission mixte paritaire. En l’occurrence, celle-ci avait été incapable de trouver un accord sur une version commune du texte.

D’un côté, ceux prenant position pour l’adoption pour tous les couples sans discriminations, eu égard aux évolutions d’une société dans laquelle le mariage ne constitue plus une garantie de stabilité pour les enfants. De l’autre, ceux convaincus que la mariage demeure la seule assurance d’un cadre stable et protecteur pour les enfants adoptés. Qui plus est, que les droits des ces derniers passent avant celui des adultes à adopter.

OAA et intérêt supérieur de l’enfant

Au fil des mois, plusieurs autres interrogations ont émaillé les débats. Parmi elles, celles des sénateurs. Ces derniers s’étaient opposés à la mesure visant à confier exclusivement à l’ASE le recueil des enfants abandonnés. Ils craignaient qu’elle ne restreigne l’activité des Organismes Autorisés pour l’Adoption (OAA) aux seules adoptions internationales.

En parallèle, les OAA avançaient que cette mesure ne donnerait pas les garanties suffisantes aux parents biologiques que l’enfant soit effectivement confié à une famille. Ni qu’il évite ainsi un parcours parfois chaotique en protection de l’enfance.

De plus, alors que la première version du texte de loi évoquait l’intérêt supérieur de l’enfant, l’adjectif supérieur avait disparu lors de son passage en commission des lois. À cette occasion, certaines associations avaient pointé du doigt la disparition de cet adjectif incarnant la primauté des droits de l’enfant sur ceux de tous les adultes : parents biologiques, adoptifs et administration. En outre, ces associations soulignaient que ce manquement était contraire à la Convention Internationale des droits de l’enfant.

L’avis de votre avocat en droit de la famille

Il est regrettable et juridiquement particulièrement grave pour les parents biologiques dont on confie les enfants au dispositif d’Aide sociale à l’enfance de ne plus avoir à donner leur consentement à l’adoption de leur enfant. Cela va générer un certain contentieux. En effet, les tribunaux, que ce soit au niveau national ou international, n’accèderont pas aussi simplement à la demande d’adoption. Ceci va entraîner une complexité de la procédure plutôt qu’une simplification. En outre, cela mettra ces enfants dans un état de fragilité juridique.

En revanche, c’est une véritable évolution juridique de permettre la reconnaissance du lien de filiation à la femme n’ayant pas accouché dans un couple de deux femmes ayant eu recours à la PMA. Ainsi, l’enfant ne disposera plus d’un seul lien de filiation selon le bon vouloir de la femme qui l’a mise au monde. Il pourra connaître son second parent car il s’agit avant tout d’un projet de parentalité commun. Et donc, de droits et de devoirs qui doivent être exercés de manière égalitaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

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