Le droit à être entendu par un juge fait partie des droits fondamentaux de l’enfant, nécessaire par son statut d’incapable juridique. Dans cette optique, il est nécessaire de bien considérer l’âge ainsi que la capacité de discernement de l’enfant.
L’article 388-1 du Code Civil prévoit la règle suivante : “Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge. Ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande.”
“Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne. L’audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure. Le juge s’assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat.”
Droit à être entendu : un droit fondamental
Et pour cause : ce droit découle directement de la garantie d’un procès équitable. De fait, le droit d’accès au juge implique celui d’être entendu par lui. Mais il convient qu’une telle démarche puisse s’adapter à la personne du justiciable. Par conséquent, il s’agit de prendre en compte l’âge de l’enfant et sa capacité de discernement.
C’est sur ce fondement juridique que la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation s’est prononcée par un arrêt en date du 2 décembre 2020. Au terme de celui-ci, elle rappelle un principe essentiel. Lorsqu’elle est saisie d’une demande d’audition d’un mineur, dans le cadre d’un contentieux relatif aux modalités des relations à définir entre ce dernier et un tiers (parent ou non), une Cour d’appel ne peut s’affranchir de son obligation d’entendre le mineur. À moins que son audition ait déjà eu lieu devant le juge des enfants. (Civ. 1re, 2 décembre 2020, n° 19-20.184).
Obligation de justifier l’absence de discernement de l’enfant
Dans cette affaire, après le placement d’un enfant à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), sa grande tante maternelle avait saisi le juge des enfants. Objectif : obtenir un droit de visite et d’hébergement. L’histoire de cette famille a fait apparaître un conflit ancien et durable. Il opposait la grande tante maternelle au grand-père paternel de l’enfant. Dès qu’il avait appris que celle-ci entendait exercer des droits sur l’enfant, ce dernier avait menacé de rompre les liens avec son petit-fils.
Le juge a préféré écarter l’enfant des débats. Et ce, pour lui éviter d’être au cœur de ces querelles familiales délétères. Ainsi, il a refusé de procéder à son audition, estimant qu’il aurait été contraire à son intérêt d’être entendu. La Cour d’appel a également rejeté la demande d’audition. La grande tante a formé un pourvoi en cassation. Faisant sienne la thèse du pourvoi, la Cour de cassation a censuré la décision des juges du fond. Au visa des articles 1189, alinéa 1er, et 1193, alinéa 1er, du Code de procédure civile. En effet, le juge devait, par principe, entendre l’enfant. Il ne pouvait s’affranchir de son obligation de procéder à son audition qu’à la seule condition de justifier, au titre de son obligation de motivation, l’absence de discernement de l’enfant.
Discernement de l’enfant et restitution de son audition
L’audition du mineur a également pour objet d’augmenter et de garantir sa protection. Ce principe est toutefois limité. Certes, le législateur l’a prévu dans toutes les procédures le concernant. À condition que le mineur soit doté de discernement, comme un principe directeur et une mesure d’instruction de droit. Toutefois, l’audition de l’enfant ne peut servir de fondement à la décision du juge. Celui-ci a pour seule obligation de retranscrire la parole de l’enfant dans sa décision (Civ. 2e, 10 juin 1998, n° 97-20.905).
Protéger les intérêts et l’avenir de l’enfant
Ainsi, le juge se voit tenu de restituer la parole de l’enfant, mais empêché de statuer sur son fondement. Le mécanisme apparaît alors quelque peu artificiel, même si l’on comprend la légitimité du double objectif poursuivi. D’une part, ne pas faire porter à l’enfant la responsabilité d’une décision.
D’autre part, relativiser la confiance à accorder à la véracité des dires d’un mineur, même adolescent. Dont la maturité intellectuelle et/ou psychologique peut être difficile à apprécier. Elle doit l’être, pourtant, impérativement. Conclusion : en statuant ainsi, la Cour de Cassation préfère mettre le juge et l’enfant face à face. Et ce, dans l’espoir qu’ils puissent convenir ensemble de la protection de ses intérêts. De telle sorte à lui offrir, quand ses parents ne peuvent le lui garantir, le meilleur avenir possible.