La Cour de Cassation a tranché la question très sensible de la filiation des enfants nés à l’étranger par le recours à une mère porteuse. Et ce, par trois rendus en date du 18 décembre 2019.
Le 18 décembre dernier, la première chambre civile de la Cour de Cassation a censuré par ses trois décisions les arrêts relatifs à la filiation des enfants nés à l’étranger, rendus par la cour d’appel de Rennes. D’une part, au visa de l’article 3-1 de la Convention de New York. D’autre part, de l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’homme. Enfin, de l’article 47 du Code civil.
Dans deux des trois affaires analysées, les faits étaient assez semblables. À chaque fois, un couple d’hommes avait eu recours à une mère porteuse aux États-Unis. Dans un cas, celle-ci avait mis au monde des jumelles. Dans l’autre, elle avait accouché d’un petit garçon. Or, les actes de naissance établis de l’autre côté de l’Atlantique présentaient comme “père” celui de ces messieurs qui était le géniteur. Et comme “parent” le second membre du couple.
La troisième affaire était sensiblement différente. Deux femmes vivant en couple s’étaient rendues au Royaume-Uni pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation. Grâce aux interventions réalisées Outre-Manche, chacune d’elles était tombée enceinte et avait donné la vie à un enfant. Les deux actes de naissance, dressés en Angleterre, désignaient l’accouchée comme “mère” et la seconde femme en qualité de “parent”.
Filiation des enfants nés à l’étranger : de retour en France
Ces trois couples ont ensuite sollicité la transcription de ces documents étrangers sur les registres français de l’état civil. Le procureur de la République puis le Tribunal de Grande Instance de Nantes les ont éconduits. Par conséquent, ils ont contesté cette décision devant le Tribunal.
Dans ces trois affaires connectées à la filiation des enfants nés à l’étranger, la Cour d’Appel de Rennes n’avait admis qu’une transcription partielle. Elle avait accepté que soient reproduites sur les registres français les mentions présentant le géniteur ou l’accouchée comme “père” ou “mère”, mais pas celles qui désignaient le second membre du couple en qualité de “parent”. C’est pourquoi les demandeurs ont formé un pourvoi en cassation.
Le jugement de la Cour de Cassation stipule : “Afin d’unifier le traitement des situations, il convient de faire évoluer la jurisprudence en retenant qu’en présence d’une action aux fins de transcription de l’acte de naissance étranger de l’enfant, qui n’est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, ni la circonstance que l’enfant soit né à l’issue d’une convention de gestation pour autrui ni celle que cet acte désigne le père biologique de l’enfant et un deuxième homme comme père ne constituent des obstacles à la transcription de l’acte sur les registres de l’état civil, lorsque celui-ci est probant au sens de l’article 47 du Code civil.”
Transcription intégrale des documents étrangers
La première chambre civile a déduit qu’il fallait admettre la transcription intégrale des documents étrangers. Et que, de fait, la cassation s’imposait. Ainsi, on doit retenir le souhait de la Cour de Cassation. Celui-ci revient à dire que la transcription est conçue comme un moyen d’assurer la pleine reconnaissance de la filiation établie à l’égard du “parent d’intention”.
Elle fonde en grande partie ses arrêts sur l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’homme. La Cour de Strasbourg, dans un avis rendu le 10 avril 2019, a indiqué que “le droit au respect de la vie privée de l’enfant [né à la suite d’une gestation pour autrui] [requérait] que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d’un lien de filiation entre cet enfant et la mère d’intention, désignée dans l’acte de naissance légalement établi à l’étranger comme étant la “mère légale”.”