Créée il y a douze ans, l’ordonnance de protection a connu récemment plusieurs réformes. Entre autres, pour combattre les violences intra-familiales et accélérer la mise en œuvre de la protection pour éviter les drames. Malgré tout, certaines questions demeurent quant aux conséquences de ces évolutions juridiques sur les droits de la défense.
La création de l’ordonnance de protection remonte à 2010. Elle permet d’éloigner un conjoint violent du domicile et d’obtenir des mesures au bénéfice des enfants. Depuis 2019, elle connaît une véritable explosion. Toutefois, cette évolution favorable à la protection des femmes a un revers. En effet, avocats et magistrats s’inquiètent de la pression de l’opinion. Celle-ci pousse à accorder une ordonnance de protection parfois un peu trop facilement alors qu’il s’agit d’une mesure aux conséquences graves pour le conjoint concerné.
En outre, dans les dossiers de violences conjugales, on constate désormais la crainte des magistrats de “passer à côté” d’un cas grave. Cette crainte, consciente ou pas, semble s’être généralisée à tous les magistrats de France. Or, la loi doit être appliquée par les juges avec rigueur et indépendance. Et ce, en excluant toute pression et en mettant à distance leurs sentiments. Le risque d’instrumentalisation de cette procédure sensible est inévitablement présent.
Ordonnance de protection : des origines…
En 2010, le législateur a introduit dans le Code civil, articles 515-9 et suivants, l’ordonnance de protection. Celle-ci permet de :
- Éloigner celui qui est violent (époux, partenaire ou encore concubin).
- Interdire à celui-ci de porter une arme.
- Attribuer le domicile conjugal au demandeur de cette ordonnance tout en fixant des mesures provisoires à l’égard des enfants.
Au départ frileux, les procureurs donnaient la plupart du temps un avis défavorable, tandis que les juges aux affaires familiales apparaissaient mal à l’aise avec cette mesure hybride. Et pour cause : celle-ci relève à la fois du droit civil et du droit pénal. De fait, les victimes de violences conjugales devaient se trouver dans une situation très grave pour obtenir le bénéfice de cette protection.
Par ailleurs, l’ordonnance de protection était critiquée. Pour beaucoup, ce dispositif portait atteinte à la présomption d’innocence puisque, pour l’obtenir, il suffisait que les violences soient vraisemblables.
Aux réformes récentes
À partir de 2019, le mot “féminicide” commence à se généraliser. La presse s’en sert pour évoquer les violences conjugales entraînant le décès de la femme victime. Or, ceci n’est pas une infraction car ce terme n’existe pas en droit. De plus, il ne figure nulle part dans le code pénal. En parallèle, les débuts du premier mandat d’Emmanuel Macron sont marqués par la volonté de ce dernier de faire de la lutte contre les violences à l’égard des femmes une grande cause du quinquennat.
C’est ainsi qu’un nouveau projet de loi est présenté visant à agir contre les violences intra-familiales. L’ordonnance de protection est réformée par la loi du 28 décembre 2019 et par un certain nombre de décrets. Puis par la loi du 24 janvier 2022. Les faits divers médiatisés expliquent en partie cette réforme et sans doute aussi la pression politique et “sociétale” du mouvement #MeToo. Ce dernier a permis de libérer la parole des femmes et d’exiger que ces dernières soient entendues.
Ordonnance de protection : une question de temporalité et d’équilibre
L’article 515-11 du Code civil sur les conditions de mise en œuvre de l’ordonnance de protection est modifié. L’objectif consiste à accroître la rapidité de la mise en œuvre de la protection pour éviter les drames. Un tel principe de précaution est louable à condition cependant qu’il ne remette pas en cause les droits de la défense.
Or, la nouvelle ordonnance de protection confond rapidité et précipitation. Le juge aux affaires familiales doit délivrer l’ordonnance de protection dans un délai de six jours à compter de la fixation de la date de l’audience. Toute la procédure est donc condensée sur un laps de temps très court. Conséquence : cela laisse peu de jours au défendeur pour préparer sa défense.
Partage d’expérience
Par exemple, j’ai eu le cas d’une cliente dont le mari avait organisé minutieusement un dossier à son encontre avant d’aller déposer plainte pour violences conjugales et violences à l’égard de leur enfant. Il avait ensuite déposé auprès du juge aux affaires familiales une demande d’ordonnance de protection.
Ma cliente n’a pas eu matériellement le temps d’organiser sa défense et de contrer les accusations fallacieuses de son époux. L’audience s’est tenue sans elle, faute d’avoir eu connaissance de la procédure à temps. Puis une ordonnance de protection a été rendue contre elle. Les conséquences sont très graves. Elle n’a pas revu son fils depuis plus d’un an et sera jugée prochainement devant le Tribunal correctionnel.