La médecine passa du statut d’art aléatoire à celui de science quasi exacte. Toutefois, elle n’a jamais eu celui de science exacte, car humaine avant tout. La nécessité de responsabiliser ses acteurs se réalisa au fil du temps. Une démarche évolutive qui aboutit à la formation du droit médical. Celui-ci rassemble toutes les normes juridiques qui régissent les droits et les obligations des professionnels de santé à l’égard de leurs patients.
On trouve certaines des premières traces de l’encadrement juridique de la pratique médicale dans le Code d’Hammourabi établi au XVIe siècle avant J.C. Mais c’est durant l’Antiquité, onze siècles plus tard, avec le serment d’Hippocrate, que l’histoire du droit médical commence à s’écrire. Celle-ci se fonde à l’époque sur la notion de devoir et sur la conscience médicale. Aujourd’hui en France, le droit médical fait partie du droit de la santé. Celui-ci englobe notamment les règles de la sécurité sociale et la médecine du travail.
En outre, il a la particularité d’appartenir tout autant au droit privé qu’au droit public. Dans le premier cas, c’est la responsabilité civile ou pénale du médecin libéral (et/ou de son établissement) qui est engagée. Dans le second, c’est la responsabilité administrative du centre hospitalier public. De fait, la responsabilité médicale implique un certain nombre d’obligations pour le médecin à l’égard du patient. Dans quels cas ce dernier peut-il la rechercher ? Comment peut-il obtenir l’indemnisation des préjudices subis, y compris lorsque la responsabilité du professionnel de santé ne peut être engagée ?
Droit médical : quelles sont les obligations du médecin ?
Parmi les obligations principales du médecin à l’égard de son patient, on peut citer celle de :
- Établir un diagnostic.
- Lui donner des soins de façon consciencieuse, attentive et en conformité avec les données acquises de la science à ce moment-là.
- Obtenir son consentement libre et éclairé.
- Respecter le secret professionnel et son devoir d’humanisme médical : ce dernier renvoie à la continuité des soins à assurer au patient.
De plus, l’article 35 du Code de déontologie médicale (contenu dans le Code de la santé publique) et l’article R4127-35 du Code de la santé publique définissent l’obligation d’information du médecin en ces termes : “Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.”
En parallèle, on note que le patient dispose lui-même d’un droit à l’information par l’article L111-2 du Code de la santé publique. Ainsi, “toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé”. Cela suppose que le médecin ne peut pas dissimuler son diagnostic au patient. Pas même les traitements envisagés ni les dangers éventuels de ces derniers.
Dans quelles circonstances la responsabilité du médecin peut-elle être engagée ?
La responsabilité du médecin étant de nature contractuelle, tout manquement à son obligation de soins implique une obligation de moyens. Selon celle-ci, il se doit de mettre en œuvre tous les moyens disponibles pour donner les soins nécessaires au patient. C’est le Code civil qui définit cette notion, ainsi que celle d’obligation de résultat. Dans les faits, la responsabilité contractuelle du médecin peut être engagée lorsque trois conditions sont réunies :
- D’une part, l’existence d’une faute du médecin.
- D’autre part, celle d’un préjudice certain, personnel et direct : lié à un dommage corporel, moral et/ou matériel.
- Enfin, un lien de causalité. Dans ce sens, la faute doit être une cause certaine du préjudice. De simples probabilités ne suffisent pas à caractériser ce lien de causalité.
Erreur médicale
Elle concerne notamment le manquement du médecin à son obligation d’information. Dans ce cas, le patient a la possibilité de solliciter la réparation de sa perte de chance d’échapper au risque qui s’est réalisé. Il peut également s’agir d’une faute technique du médecin. Celle-ci correspond à son inattention quant au cadre d’un traitement, le suivi post-traitement, voire une erreur de diagnostic.
Cas particuliers : les effets secondaires post-vaccinations obligatoires et post-vaccination anti-Covid-19
Le médecin ne peut pas voir sa responsabilité engagée dans le cas d’effets secondaires survenus à la suite d’une vaccination obligatoire. En outre, celle-ci ne peut pas non plus être engagée dans le cas d’effets secondaires ayant lieu à la suite d’une vaccination anti-Covid-19 et/ou au motif que celui-ci aura “délivré une information insuffisante aux patients sur les effets indésirables méconnus à la date de vaccination.” Hors faute caractérisée, apprécié par le juge “en fonction de l’urgence qui préside au déploiement des vaccins ainsi que les circonstances.”
Déprogrammation d’une opération chirurgicale
L’obligation de moyens à laquelle le médecin est tenu lui impose de mettre en œuvre tous les moyens disponibles pour soigner le patient. Et non de mettre en œuvre tous les soins existants “en théorie”. Une nuance qui a toute son importance lorsque le patient souhaite invoquer sa perte de chance. Par exemple, pour en réclamer l’indemnisation lorsque son opération chirurgicale est déprogrammée. Et qui explique les longs délais des procédures intentées dans ce sens.
Téléconsultations : quand la technologie se combine avec la médecine
Le cadre légal demeure inchangé pour une consultation médicale qui s’effectue à distance. Les obligations du médecin sont donc les mêmes qu’en consultation en présentiel. Ceci étant dit, le Code de la santé publique a tout de même prévu deux obligations complémentaires quant :
- Aux conditions nécessaires pour le bon déroulement de la téléconsultation. Ainsi, l’article R6316-3 avance notamment que le médecin doit former et/ou préparer si besoin le patient à l’utilisation du dispositif technique.
- À la traçabilité des échanges. L’article R6316-4 prévoit entre autres la rédaction d’un compte-rendu de la réalisation de l’acte et le recensement des incidents techniques survenus le cas échéant.
Droit médical : quels recours possibles quand la responsabilité du médecin ne peut être recherchée ?
C’est la solidarité nationale qui assure l’indemnisation des préjudices subis par le patient lorsqu’on ne peut engager la responsabilité du professionnel de santé. Et ce, par l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). En parallèle, un recours préalable devant le Commission de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux (CCI) peut être initié par le patient. Hormis pour les effets secondaires liés à la vaccination anti-Covid-19, pour lesquels seul l’ONIAM est compétent.
Ce recours préalable consiste à résoudre à l’amiable les litiges entre les professionnels de santé et les victimes. Au terme de la conciliation, axée notamment sur un rapport d’expertise médicale, la CCI peut émettre un avis de rejet ou une proposition d’indemnisation, prise en charge soit par l’assureur du médecin (ou de l’établissement) en cas de faute, soit par l’ONIAM. Si le patient refuse l’offre d’indemnisation, il peut saisir le tribunal administratif d’une nouvelle demande d’indemnisation.
Action de groupe : pour les dommages corporels dus à un produit de santé
Appelée aussi recours collectif, elle vise principalement un préjudice corporel lié à un produit de santé. L’indemnisation peut avoir lieu y compris pour les victimes qui n’ont pas porté plainte. Au moins deux personnes doivent avoir subi un préjudice causé par le même manquement d’un même professionnel pour intenter une procédure de groupe, par exemple, à l’encontre :
- D’un laboratoire pharmaceutique.
- D’une pharmacie.
- D’un hôpital : quand ce dernier a notamment mal utilisé le produit de santé.