Le 10 octobre 2023, l’Assemblée nationale a voté en nouvelle lecture une proposition de loi visant à mieux protéger le droit à l’image des enfants face aux dérives de certains parents qui les exposent excessivement sur les réseaux sociaux. L’Assemblée et le Sénat n’avaient pas réussi à s’accorder sur ce texte, ce qui a conduit à cette nouvelle lecture dans les deux chambres. La date d’un nouvel examen par le Sénat n’est pas encore fixée.
Cette proposition de loi intervient dans un contexte où de plus en plus de parents partagent sur les réseaux sociaux des vidéos ou des photos de leurs enfants. Et ce, sans prendre conscience des conséquences préjudiciables pour ces derniers. Par exemple, le harcèlement, l’utilisation de ces images et de leurs informations associées par des pédocriminels, la santé mentale….
Les auteurs de la proposition de loi estiment nécessaire de prendre en compte ces situations. Celles-ci ne sont pas couvertes par la loi “Enfants influenceurs” du 19 octobre 2020. Cette loi vise à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne (Youtube, TikTok, Instagram). Et donc, à mieux protéger le droit à l’image de tous les enfants sur internet.
Droit à l’image des enfants : dénoncer les dérives liées à leur surexposition en ligne
Selon des chiffres cités par les parlementaires et l’exécutif, un enfant apparaît en moyenne “sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans”. De plus, “50% des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux”.
Plusieurs associations pointent du doigt les dérives liées à la surexposition des enfants. Celles-ci peuvent prendre la forme :
- De « vlogs » familiaux (blogs vidéo), tenus par des parents faisant la course aux « likes » en exposant l’intimité de leurs enfants tout en recherchant parfois des revenus publicitaires.
- Mais aussi de mises en scène dégradantes, comme celles du “Cheese challenge”, viral sur Tik-Tok. Celui-ci consiste à jeter une tranche de fromage fondu au visage d’un bébé et à filmer sa réaction.
Proposition de loi du 10 octobre 2023 : pédagogique avant tout
Ainsi, le texte adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 10 octobre tend à modifier les règles relatives à l’autorité parentale. Celle-ci est un ensemble de droits et de devoirs que les parents ont vis-à-vis de leur enfant mineur. La définition de l’autorité parentale prévue par le code civil intègre la notion de vie privée de l’enfant. Elle considère le respect de la vie privée et le droit à l’image afin de mieux sensibiliser les parents à leurs obligations.
En outre, le texte précise que les deux parents exercent en commun le droit à l’image du mineur, en tenant compte de l’avis de l’enfant. S’il y a désaccord entre les parents, le texte prévoit que le juge peut interdire à l’un d’eux “de publier ou diffuser tout contenu sans l’autorisation de l’autre”.
En cas de grave atteinte à la dignité de l’enfant
Le texte prévoit que « le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer l’exercice du droit à l’image de l’enfant« .
Nous sommes donc dans le cadre d’une “déchéance d’autorité parentale numérique”. En effet, les parents défaillants peuvent se voir retirer une partie des prérogatives de l’autorité parentale. De fait, si cette proposition de loi vise à responsabiliser les parents, elle a également pour but d’expliquer aux mineurs que “les parents ne disposent pas d’un droit absolu sur leur image”.
Respect du droit à l’image des enfants : rôle de la CNIL
Enfin, lors de la nouvelle lecture de la proposition de loi, les députés ont permis d’adopter un amendement permettant à la CNIL d’agir en référé. Et ce, pour demander le blocage d’un site internet en cas d’atteinte aux droits et libertés d’un mineur, sans condition de gravité ou d’immédiateté. Notamment :
- En cas de non-exécution et/ou d’absence de réponse à une demande d’effacement des données à caractère personnel.
- Ou bien encore, s’il ne peut être établi que l’accord des deux parents a été recueilli pour la diffusion de l’image d’un enfant mineur.