Difficile à dire quand on se sent encore maître de ses moyens au volant et que l’on veut profiter de sa retraite ! Pourtant, les conditions de conduite pour les personnes âgées sont désormais étudiées avec autant d’attention que la mortalité des jeunes sur la route. Pour l’heure, si aucune loi n’existe afin d’imposer en France un âge limite ou une visite médicale de contrôle régulière, tout se joue au niveau de la responsabilisation des conducteurs. Le point dans cet article.
Le mois dernier, un grave accident de la route a eu lieu à Garches dans les Hauts-de-Seine. Une conductrice âgée de 77 ans a perdu le contrôle de son véhicule et percuté violemment une mère de famille de 40 ans ainsi que sa fille de 7 ans. Les trois protagonistes ont été emmenées rapidement à l’hôpital. Leur pronostic vital n’a pas été engagé. Néanmoins, cet accident n’est pas un cas isolé. En outre, il aurait pu avoir des conséquences bien plus dramatiques.
Selon les chiffres définitifs de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), 2 944 personnes sont décédées sur les routes de la métropole en 2021. Soit 300 de moins qu’en 2019, année de référence. Ainsi, la mortalité routière est en baisse de 9%. Toutefois, on a enregistré la même année 2 978 accidents corporels (+5% par rapport à 2019 et +14% par rapport à 2020) et 3 769 blessés (+3% par rapport à 2019 et +10% par rapport à 2020).
Par conséquent, on peut légitimement s’interroger sur les conditions de conduite des personnes âgées suite à l’accident survenu à Garches. Tout comme sur la nécessité, ou pas, d’initier de nouveaux contrôles afin de renforcer leur sécurité tout comme celle des autres usagers de la route. Devrait-on inscrire dans la loi un âge limite pour conduire ? Des initiatives parlementaires ont-elles déjà été lancées dans ce sens ? Quelles sont les préconisations essentielles à retenir en matière de conduite à partir d’un certain âge ?
Âge légal vs. âge limite pour conduire
En France, seul est considéré dans le Code de la route l’âge légal à partir duquel toute personne peut passer le permis de conduire et rouler de manière totalement autonome. Pour rappel :
- L’âge minimum pour s’inscrire à la conduite accompagnée est de 15 ans.
- Celui pour s’inscrire en candidat libre ou en auto-école classique est de 16 ans.
- À 17 ans, il est possible de passer l’examen du Code de la route. De plus, suivant l’arrêté du 16 juillet 2016, un candidat en conduite accompagnée peut se présenter à l’épreuve pratique du permis de conduire.
- Enfin, l’âge légal pour passer le permis de conduire en candidat libre ou classique est de 18 ans. À cet âge, le jeune conducteur ayant déjà passé avec succès l’épreuve pratique du permis, dans le cadre de la conduite accompagnée, peut quant à lui conduire en solo.
Concernant l’âge limite pour conduire, celui-ci relève pour l’instant de la seule appréciation du conducteur. Et si l’on peut comprendre que les personnes âgées souhaitent conserver leur liberté pour se déplacer en toute autonomie, on peut malgré tout s’interroger au regard du déclin des capacités physiques et cognitives de chacun en vieillissant. Il entame entre autres les réflexes du conducteur.
Conditions de conduite pour les personnes âgées : la situation en Europe et en France
En Europe, plusieurs pays ont déjà inscrit dans leur législation une visite médicale obligatoire. Et ce, pour contrôler régulièrement les aptitudes des conducteurs d’un certain âge. Par exemple, ceux des Pays-Bas, de Finlande et du Danemark doivent s’y soumettre à partir de 70 ans. En Italie et au Portugal, c’est même dès l’âge de 50 ans que la première visite médicale doit avoir lieu.
Au même moment, et alors que les permis de conduire délivrés en France jusqu’en 2013 étaient valables à vie, le nouveau permis européen instauré la même année est seulement valable 15 ans. Rien n’est encore prévu quant à d’éventuelles conditions de conduite pour les personnes âgées notamment. Cependant, la possibilité de mettre en place une visite médicale obligatoire reste ouverte.
Une proposition de loi déjà dans les tuyaux en France
Déposée le 3 octobre 2017 à l’Assemblée Nationale par la députée Virginie Duby-Muller, cette proposition de loi vise à inscrire le pays dans la lignée des autres États européens précédemment cités. Autrement dit, il s’agit d’inscrire dans le Code de la route une visite médicale de contrôle à la conduite systématique pour les conducteurs de 70 ans et plus. Celle-ci serait à effectuer auprès d’un médecin de ville et à renouveler tous les cinq ans.
Depuis la soumission de cette proposition, un certain nombre de personnalités se sont positionnées. Parmi celles qui s’y opposent, l’argument majeur invoqué est celui de la sous-représentation des seniors dans les accidents ayant lieu en métropole. Dans ce sens, les chiffres définitifs de l’ONISR leur donnent raison. En effet, la mortalité des seniors de 75 ans et plus représente 449 tués en 2021. Soit 83 personnes tuées de moins par rapport à 2019. Toutefois, il s’agit là du nombre de décès pour cette catégorie d’âge et non de celui des accidents qu’elle provoque.
Prévention et responsabilisation
Les conditions de conduite pour les personnes âgées forment une thématique de sécurité routière toujours plus déterminante. D’autant plus si l’on considère le vieillissement de la population française ces dernières années. La part qu’y tiennent les personnes d’au moins 65 ans a progressé de 4,7% en vingt ans selon l’INSEE. Au 1er janvier 2020, elles représentent ainsi 20,5% de la population totale.
Par conséquent, l’heure est plus que jamais à la responsabilisation de chaque conducteur. Sur son portail d’information pour les personnes âgées et leurs proches, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) partage dans cette optique un certain nombre de recommandations. Parmi elles :
- Adapter soi-même ses habitudes de conduite. Par exemple, en évitant de conduire la nuit si votre acuité visuelle baisse.
- Éviter de prendre l’autoroute dans le cas où vous ayez mal dormi et/ou que vous vous sentiez fatigué.
- Veiller à s’assurer que les traitements médicamenteux que vous prenez soient compatibles avec le fait de prendre le volant.
- Faire un stage de remise à niveau, d’une part, pour faire le point sur votre conduite. D’autre part, pour bien appréhender les dernières évolutions du Code de la route.
- Bien choisir votre véhicule et/ou le faire adapter. Par exemple, en optant pour une voiture à boîte automatique qui facilite la conduite…
Toutes ces recommandations ne valent qui si vous vous assurez d’être capable de reconnaître également le moment où il vaut mieux cesser de conduire vous-même. Notamment pour favoriser des solutions alternatives pour vous déplacer comme le covoiturage et les transports en commun.
L’avis de votre avocat
Quand on avance en âge, conduire permet de rester autonome. Toutefois, les capacités physiques et cognitives déclinent plus ou moins rapidement. Il peut parfois devenir difficile, voire dangereux, de conduire. Des stages de remise à niveau permettent de faire le point sur son activité de conduite et de revenir sur les évolutions du Code de la route. Les collectivités territoriales, les associations, les préfectures, les mutuelles, ou bien encore, les assureurs, proposent souvent ce type de formations sous la forme d’ateliers. Certaines écoles de conduite offrent également des formations de remise à niveau (payantes) à destination des seniors. De plus, elles les accompagnent pour réviser au besoin leurs trajets du quotidien. Et ce, afin de choisir les plus simples et les moins dangereux.
En parallèle, un médecin traitant alerte normalement le patient dont l’état de santé peut être incompatible avec la conduite. Dès lors, il l’oriente vers un médecin agréé qui se prononcera sur l’aptitude médicale à la conduite. La prise de rendez-vous avec le médecin agréé est de la responsabilité du conducteur ou de son entourage. En effet, en cas d’accident de la circulation, l’âge de l’automobiliste auteur de l’accident n’aura pas d’influence sur sa responsabilité civile.